Alors que la République se trouve à un des moments les plus durs de son histoire, alors que dans tous les domaines de la vie de notre nation nous avons touché le fond, alors que le peuple meurt de faim et s’identifie désormais à la misère, lui qui a été un temps une gloire en l’Afrique, alors que le pays continue d’être le théâtre de violences étatiques avec à la clé des centaines de morts, alors que notre capitale Conakry est en ruine et n’a pas gagné un seul kilomètre carré d’urbanisation planifiée depuis le départ du colonisateur, alors que nous constatons la dévastation sans aucun précédent de la morale, du savoir-vivre et de toute forme de dignité, et alors que tous qui alimentons les réseaux sociaux sommes parfaitement conscients que nous faisons partie de l’infime portion des lettrés du pays, que nous avons un devoir naturel de partage de l’éducation envers notre pays, comment osons nous baigner dans une telle bassesse, comment certains d’entre nous peuvent-ils faire faillir si bas des patronymes jadis si valeureux, comment laissons nous notre société porter la fesse en valeur nationale, comment nous-mêmes n’utilisons nous notre parole que pour transcender l’idiotie, comment pérennisons nous le culte oublié de la personne, le culte de l’avoir, comment invoquons nous le nom de notre Seigneur pour qu’Il nous assiste dans l’acquisition de voitures d’occasion et ne vociférons pas pour appeler sa protection sur notre peuple, comment ne voyons nous pas que la crise socio-économique totale de notre pays est une crise humaine, une crise d’hommes, une crise aiguë de l’homme ?
Alors que la mort frappe désormais fréquemment la frange d’hommes et de femmes née avant 1958, eux que nous reconnaissons comme les mieux formés, et alors bien que nous nous attachions aux derniers d’entre eux nous ne pouvons empêcher ce douloureux passage de flambeau qui s’opère devant nos yeux, nous semblons être dans une béate rêverie.
Les meilleurs s’en vont, et ils laissent derrière eux une génération mal formée ou du moins moins bien formée, mais surtout polluée à grande vitesse par le vide idéologique dont elle ignore même être la victime. Cette vacuité spirituelle est un terrain propice aux anti-valeurs.
Je “nous” appelle à une prise de conscience et une attitude de mobilisation non pas citoyenne, mais de celle qui anime le propriétaire de maison. Le pays se meurt, d’abord de notre immobilisme devant la dégradation active de nos moeurs. Active parce qu’elle n’est pas le fait du destin, mais du laisser-faire-le-mal dont nous sommes coupables.
Tout part en vrille. Dans le silence général.
A certains j’aimerais dire que être membre du gouvernement est devenu une blague. Mais ça ne durera pas toute la vie. Un changement viendra. Tôt ou tard, et nous balayera l’infamie.
Pour l’heure, tentons de sauver notre jeunesse du risque d’enfermement dans la conviction que l’état actuel de vacuité morale soit la norme. Ça ne l’est pas.
Akim Bha, Citoyen Engagé.